Référence : 1339
Support : Cédérom
Date de parution : 2012
Nombre de page : 168 page(s)
Large vision : Non
ISBN : 2864248956
Le médecin Sidónio Rosa se penche pour franchir la porte, avec les égards de celui qui pénétrerait dans un ventre. Il rend visite à la famille de Bartolomeu Sozinho, le mécanicien retraité de Vila Cacimba. Sur le pas de la porte, son épouse, dona Munda, ne gaspille pas ses mots et n'accorde pas de sourire. C'est le visiteur qui arrondit l'instant, en demandant : - Alors, notre Bartolomeu va bien ? - Il est bon à partir les pieds devant, avec une bougie et un missel… La voix rauque semble distante, contrariée, comme si le sujet lui coûtait. Le médecin pense ne pas avoir compris. Il est portugais, nouveau venu en Afrique. Il reformule sa question : - Je posais la question, dona Munda, au sujet de votre mari… - Il va très mal. Le sel est déjà tout répandu dans son sang. - Ce n'est pas du sel, c'est du diabète. - Il refuse. Il dit que s'il est diabétique, je suis diabolique. - Vous continuez à vous chamailler ? - Oui, heureusement. On n'a plus rien d'autre à faire. Savez-vous ce que je pense, docteur ? La dispute est notre serment d'amour. La maîtresse de maison s'arrête au milieu du couloir, arrange une boucle de cheveux sous son foulard comme si cette touffe capillaire était l'ultime vestige de sa sensualité. - Dites-moi, docteur, Bartolomeu n'aurait-il pas été frappé par cette maladie qui court maintenant à travers Vila Cacimba ? - Non, cette maladie-là est différente. - Tout à l'heure, un de ces hommes devenus fous est passé dans la rue en agitant les bras, il avait l'air de vouloir voler. - Le centre de santé en est plein, presque tous des soldats. - Savez-vous comment le peuple les appelle ? On les appelle va-nu-puants. - Oui, j'étais déjà au courant. C'est un beau nom, va-nu-puants… - Vous croyez que c'est une malédiction ? - Ça n'existe pas, dona Munda. Les maladies ont des causes objectives. Munda frappe à la porte de la chambre, la forteresse où le vieux s'est enfermé et s'étiole depuis des mois. L'épouse attend la réponse grincheuse de Bartolomeu. En vain. Dona Munda n'épargne pas ses doigts noueux et frappe à nouveau à la porte. Prudent, le docteur Sidónio préconise la retenue. - Si ça se trouve, il est en train de dormir. Je reviens plus tard… - Ce type va se réveiller. Parfois elle l'appelle type, d'autres fois elle réduit le nom de son mari à Barto. Maintenant, la main de Munda secoue le loquet, le visage écrasé sur le bois. Pour finir, l'homme se fait entendre : - Pourquoi ?